Entrée #6 | 10000 de chute 2/2 - Galnet France

03 juillet 18h12

…/…

Brusquement, le SRV glisse sur le côté, puis bascule en avant. La pente s’est raidie et le SRV n’a pas pu s’y accrocher. Je tente de contrôler la chute avec les propulseurs verticaux, mais j’aggrave l’effet, rien ne m’arrêtera maintenant, sauf la très faible, mais bien présente, gravité. Je rebondis, tourne, m’écrase et repars pour une nouvelle série. Mes yeux ne suivent plus, un voile rouge commence à brouiller ma vue, je sens mon estomac qui se soulève.
A chaque impact, avant de repartir pour un nouveau saut, le bouclier et la coque sont endommagés.

J’ai l’impression de tomber pendant des heures, j’entends à peine Vesta qui tente, à chaque seconde de calculer une trajectoire pour contrer la chute. Autour de moi la surface est devenue rouge sang, mauvais présage !

-« coque à 10 % commandant, le prochain impact sera fatal »

-« Enclenche la rentrée de l’ASP Vesta, vit……. »

Il n’y a pas de bruits dans l’espace, pas de fracas, pas de tôle tordue qui grince, rien d’autre que mon souffle dans la combinaison.

J’arrive avec peine à m’extraire du SRV broyé, il y a des morceaux de plastique et d’alliages tout autour de mon point d’impact. Des bulles de fluides colorés s’élèvent doucement autour de moi, avant de retomber, mollement, sur la surface de la planète.

J’entends grésiller la voix de Vesta.

-« Commandant……ecours……Entrée…..630 m…vous »

Je me relève avec peine. La gravité est très faible. Ma combinaison n’est pas vraiment prévue pour ce genre d’exercices, mais elle tient. RemLock n’aura plus jamais à me prouver sa maîtrise des systèmes de survie des pilotes !

Une fois le choc passé, je prends quelques secondes pour regarder l’état de ma combinaison. Puis je prends conscience d’une vive et terrible douleur à mon épaule gauche, je peux à peine bouger le bras.

630 mètres.

C’est la distance qui me sépare de l’ASP. Le chemin sera long, il est presque impossible pour moi d’avancer, le moindre pas, s’il est trop prononcé, me fait décoller et change ma trajectoire. Je dois mesurer mes mouvements, avancer comme si je marchais au fond d’une piscine. Chaque pas est une torture pour mon épaule, je sens que je fatigue vite, je suis incapable de savoir si j’aurais la force d’atteindre l’ASP.

-« Votre rythme cardiaque est trop rapide, commandant, le traitement du CO2 inefficace, vous devez vous calmer commandant ».

De vieux réflexes, acquis pendant ma formation de pilote et les nombreuses batailles de ces derniers mois, prennent le dessus. Mon cerveau se met à fonctionner par automatismes :

“Ne te projette pas. Les problèmes se règlent les uns après les autres. Avancer. Ne pas penser à l’ASP. La douleur…la douleur n’est rien…la douleur…n’est….RIEN !”

Je compte mes pas, l’un après l’autre. Ne pas penser à autre chose que le nombre de pas. La sueur baigne mon front, j’ai du mal à respirer. J’ai terriblement froid.

Les jauges de ma combinaison sont presque toutes en alerte. Elle doit œuvrer pour de me maintenir en vie, mais les ressources et l’énergie nécessaires sont énormes. Il ne me reste plus beaucoup de temps.

Des sillons rouges, un mausolée galactique des plus stylés, n’est-ce pas ! Il sera par contre compliqué de déposer des fleurs sur ma tombe ! J’arrive à sourire, c’est bon signe.

Les minutes passent, l’ASP se rapproche, peu à peu….mais si lentement !

“Pense à tes pas. Droite, gauche, droite….”

-« Écoutez ma voix commandant. Vous n’êtes plus qu’à 50 m commandant, vous pouvez y arriver. »

-« Je….n’aurais pas…la force de monter à bord….par l’écoutille arrière….Vesta. Pas sûr de pouvoir monter à bord »

-«Commandant, l’accès à la soute est impossible avec le temps qu’il vous reste. Je descends le second SVR, il sera positionné sous le vaisseau. Entrez-y, et je vous remonte comme dans un ascenseur”.

Brave et futée Vesta. Je m’exécute. À l’ombre du ventre de mon ASP, le second SRV m’attend. Je m’effondre et sens les bras saisir l’engin pour me remonter à bord du vaisseau, à l’abri.

***

J’ignore totalement combien de temps je suis resté là, avachi, bien à l’abri dans la baie des véhicules planétaires. Je suis sorti de ma torpeur car un bruit intense, une alarme sonore sans doute déclenchée par Vesta pour m’empêcher de sombrer, m’a transpercé les tympans.

-“Sortez commandant, activez l’éjection d’urgence de votre combinaison….MAINTENANT !”.

Ce bruit….insupportable.

-“Stop, Vesta…arrête”.

-“Pas avant que vous ayez rejoint le POD médical Commandant”.

-“Je te hais….!”

-“Je sais commandant…continuez à marcher, et j’arrêterai l’alarme”.

Enfin, je m’effondre dans la capsule médicale. Je regarde des MediBots enfoncer dans mon bras des aiguilles, d’autres découpent mes vêtements, je commence à flotter. Des lumières bleues balayent mon visage, j’entends des bips…mon coeur ? Il bat toujours ? Mon bras….ne me fait presque plus mal…je m’enfonce….

-“….Vesta…..”

-“Oui Commandant ?”

-“Merci…..”

-“De rien Commandant, j’ai fait ce qui devait être fait. Je n’abandonne pas ceux dont je suis responsable…moi !”

-“….Vesta…..Tu es une……”