10 juillet 11h37
Le paysage valait bien un grand détour.
Rien n’est optimisé dans ce voyage, ni les trajectoires, ni les étapes. Le but n’est pas d’aller vite, ni même d’aller loin, mais de faire ce que je veux, quand je le veux. J’ignore tout des grands explorateurs, mais j’imagine que le « vite et loin » n’était probablement pas la motivation première. Vesta m’avait raconté l’histoire de ce grand navigateur dont l’une de galaxies à plus de 150.000 Al de moi, porte le nom. Près de 1500 ans me séparent de Magellan, tout est différent, sauf ce que nous sommes au plus profond de nous : des êtres humains, animés par le rêve, la passion, la folie et la curiosité. Tout cela nous a, un jour, porté hors des grottes, nous a permis de maîtriser le feu, puis au-delà : ce vaisseau. Le cadre a changé, la grotte a été remplacée par de grands navires à voiles et enfin des vaisseaux parcourant l’immensité de l’espace. Mais à l’intérieur de ce navire, l’homme que je suis est finalement très proche de cet homo erectus qui a, un jour, décidé que la viande serait meilleure cuit.
La science, la technologie, le savoir évoluent, mais nous restons Homme depuis le commencement.
La cabine est baignée de lumière rose et violette. Je viens à peine de rentrer de mon expédition à bord du second et dernier SRV à bord. La leçon a été retenue, et elle me lance encore l’épaule gauche. Il faudra des semaines pour qu’elle ne me fasse plus souffrir, malgré la magie de la chimie médicale. C’est la première fois que je ressors en SVR depuis l’accident. J’en avais besoin. Sous ce ciel de gaz multicolore, j’ai parcouru la surface gelée de la planète. Je n’ai rien trouvé. En réalité, je n’ai rien cherché, en dehors du plaisir de rouler dans un paysage extraordinaire. Les couleurs du ciel changent, oscillent et remplacent le noir constellé qui m’accompagne depuis le début du voyage.
Tout est calme ici, froid et silencieux. L’exacte opposition de ce que j’ai laissé derrière moi. Pourtant, pour la première fois depuis des semaines, je commence à ressentir une certaine solitude. Elle commence à me peser, sournoise et décidée, comme une marée tranquille qui monte inexorablement.
Je tourne la tête et regarde derrière moi la coursive principale de l’ASP. Elle conduit à ma cabine et à tout ce que vaisseau propose comme confort. Il est très différent de ce que j’avais prévu. Je n’avais pas demandé de POD médical, mais il s’était avéré nécessaire. J’ai également découvert une capsule de réalité augmentée, un équipement pluri-sportif que Vesta m’oblige à utiliser pour faciliter le rétablissement de mon épaule. Se trouve également à bord un atelier de bricolage et mécanique totalement équipé, qui permet de fabriquer à peu près n’importe quoi. N’étant pas manuel dans l’âme, Vesta m’a indiqué qu’elle serait en capacité de me guide pour fabriquer ce que je veux, me reste à trouver quoi. Et puis, il y avait la serre, bien sûr, avec les tomates qui grossissaient jour après jour.
Pourtant, ce que je cherche n’est pas à bord.
-« Prépare le vaisseau Vesta, nous décollons »
-« En avez-vous assez de ce panorama, ou bien cherchez vous autre chose ? »
-« Que veux-tu dire ? Explique ».
-« Ma question concerne votre quête, naturellement. Lors de votre départ, vous m’avez indiqué partir pour chercher des réponses. Je me demande simplement si ce paysage, qui semble vous ravir, vous les apporte ? »
-« Non, pas du tout. Ni ça ni le reste, en réalité. »
-« Bien, je prépare un itinéraire de quelques milliers d’années lumières, une destination en particulier ou souhaitez-vous que je cherche un système « avec des réponses » ? »
-« Tu te moques ? »
-« Oui, car tout cela est absurde commandant, et vous le savez. Votre départ n’a rien réglé, et votre voyage ne résoudra pas vos problèmes ».
-« Tu as peut-être raison. Mais il me permettra sans doute de voir les choses autrement, de me guider. Ce voyage me permet aussi d’aller là ou peu d’hommes ont été. C’est à peine explicable Vesta, mais j’en tire une grande force et une vraie fierté. Je traverse un immense désert, vide de tout, et avance pas à pas ».
-« Commandant ? »
-« Oui Vesta ? »
-« Je vais changer les doses de vos médicaments, je pense que les doses sont bien trop importantes ».
Je ris. Je ne sais pas si c’est de l’humour ou de l’ironie, mais cette Vesta commence à me plaire. Elle a quelque chose d’étonnant…et de très inquiétant aussi.
Le vaisseau vibre et s’élève dans un nuage de poussière rouge. Je regarde mon radeau quitter la planète et pointer le nez vers le vecteur d’évitement. Il continue à m’emmener vers l’inconnu, pour fouler des sols que l’homme n’a jamais vus.
-« Vesta. Qui a préparé ce vaisseau ? Il est totalement différent de ce que j’avais demandé qu’on me prépare. Je veux savoir pourquoi, et qui. »
-« Êtes-vous prêt à l’entendre, commandant ? »
-« Oui, je crois ».
…/…
C’est « la grande éclate » pour nous aussi ce voyage. Merci Commandant ^^.
(Théorie pseudo-idiote sur l’histoire de la viande cuite : si on considère qu’à l’époque, nécessité faisait loi, il est possible que des femmes, puisqu’a priori les hommes partaient à la chasse/pêche/cueillette, aient remarqué que les gens mourraient moins ou étaient moins souvent malades avec la viande cuite )
Très belles images, ça donne envie. Par curiosité, à quelle distance des mondes habités te trouves-tu ? Quant à Vesta….je veux la même dans mon vaisseau 🙂
Ah, non ! Vesta est à moi ! 😉 reste à voir si je voudrais/pourrais la garder 😉
Je me trouve actuellement à 16.500 Al de SOL. Je mettrais bientôt une carte.
Génial c’est une super histoire!! J’ai tellement hâte de savoir la suite!
ahhhh, obliger d’attendre la suite !!!
super récit 😉