Entrée #5 | 10000 de chute 1/2 - Galnet France

03 juillet 15h06

La petite lune glacée est bicolore. De longues traînées rouges profondes creusent la surface immaculée, telles des plaies profondes sur une peau blanche. Ce contraste, inquiétant et magnifique, m’a frappé et attiré. Contrairement à ce que peut affirmer Vesta, mes choix ne sont pas si aléatoires. Ils sont généralement définis en fonction d’une lumière, d’une couleur, d’un alignement d’astres qui “me parlent”. Et cette lune, orbitant autour d’une géante gazeuse à anneaux, m’a attiré. Elle est aussi une frontière, une étape sur ma route.

Avant d’arriver dans ce système, j’enchaînais les sauts en écoutant une musique jusque là inconnue. Vesta m’avait indiqué qu’elle avait été écrite plus de 2000 ans plus tôt. L’histoire de son compositeur m’a frappé.

-“Il était sourd ?”

-“Oui commandant, sur la fin de sa vie, il a composé de grandes œuvres ne pouvant absolument pas entendre quoi que ce soit. Son nom et son oeuvre ont traversé les millénaires. Il y a des noms, qui restent, de grands Hommes qui marquent l’humanité. D’autres refusent leur destin, ou pensent qu’ils ont tellement fait qu’ils méritent le repos. L’Histoire les oublie le plus souvent”.

Je n’ai même pas relevé ! Pas la peine.

-“Commandant, en parlant de destins, même si ces derniers sont insignifiants, je vous informe que nous venons de passer la barre des 10.000 Al depuis notre point de départ.”

-“Tu as un don Vesta ! Je ne sais pas si quelqu’un a une telle capacité à être aussi désagréable, ça force le respect, tu sais ?”

-“Merci commandant, je suis touchée”.

***

Ainsi donc j’avais envie de me poser dans ce système “des 10.000”. Ce sera le dernier saut de la journée, le reste se passera sur une surface à bord d’un SRV.

L’approche est douce, Vesta m’informe des données planétaires :

-“Monde glacé d’un rayon de 1.303 Km. La gravité est d’environ 0,09 G. La température de surface est de -148,5 °c ! Il n’y a aucune atmosphère, aucune activité volcanique. Cette lune est morte commandant. Vous y trouverez au mieux de la glace à 62.6%, de la roche à 34.1% et du métal à moins de 3.4%.

Je choisis comme terrain le surplomb plat bordant une très profonde falaise. Le plateau et glacé, le sillon en aval, rouge vif. Cette apparente plaie s’ouvre à mesure de ma descente. La gerbe de poussière glacée propulsée par mon approche vole lentement autour de nous. Vesta m’indique que les plus fines poussières, en raison de la très faible gravité, mettront plusieurs années à retomber au sol. A ma manière, je marque aussi l’Histoire, celle de cette lune. Non mais !

***

Le pilotage en surface n’est pas aisé, le sol gelé depuis des millénaires glisse comme une patinoire, le moindre mouvement brusque se traduit pas un tête à queue presque incontrôlable. Le moindre caillou fait décoller et planer mon véhicule sur des centaines de mètres. Afin de limiter les impacts, « j’arrondis » à la manière d’un pilote d’avion, en utilisant les propulseurs verticaux.

Cette lune, aussi hostile soit-elle, regorge de minéraux. J’en profite pour refaire mon stock afin de préparer la suite de l’expédition. Ces minéraux, seront reconvertis par la centrale du vaisseau afin de synthétiser du carburant ou des ressources, dont tout explorateur à besoin. Je trouve sans peine de l’arsenic, de l’étain et bien d’autres richesses gracieusement offertes par l’espace.

Au bout de 2 heures de prospection et de promenade, je stoppe le SRV à l’aplomb de la falaise rouge. Cet océan, figé à mes pieds, m’attire. J’engage doucement le SVR. Le nez pointe vers l’abime rouge.

-« Commandant, d’après mes calculs, la pente est trop importante pour le SRV, vous ne pourrez pas contrôler votre véhicule ».

Au diable les statistiques et les calculs ! Je persiste, continuant la descente. Je suis à plus de 50 degrés et ai l’impression qu’un simple éternuement me ferait faire une bascule.

Ce n’est pas un éternuent mais un simple rocher qui s’en charge.

…/…